CECI EXPLIQUE CELA

J’ai attrapé mon ordinateur comme si j’étais possédée. Une envie de réécrire, celle qui ne m’avait plus attrapé le coeur et les mains depuis bien longtemps. Peut-être est-ce pour oublier ces sensations si désagréables, ces douleurs qui me tiraillent, me font souffrir, dans le bas du ventre, dans l’estomac, dans les reins, pour achever cette endométriose dont je saurai vous reparler prochainement ? Ou seulement pour évacuer, pour me confier, pour poser des mots sur mes maux ? Pour être tout à fait honnête, .. écrire est thérapeutique, j’ai commencé quand j’ai perdu mon premier Amour.

J’avais tout juste dix sept ans, jeune me direz-vous. Après de longs mois de relation, plein d’émotions, de rires & de première fois, je me suis aperçue que je n’étais plus la seule sur la liste… Mais l’attachement, l’amour étaient toujours là. C’est un sentiment, c’est sûr. Ça vous ronge le sang. Ça vous bouffe le coeur; vous nourrit de l’interieur. Ce n’est pas de L’amour. Non ce n’est pas aussi commun. Je ne pense pas. Je sentais son coeur contre mon coeur. Il me prenait la tête dans ses grandes mains. Tu sais, ce « Je t’aime » sur lequel on ne doute pas. Sur lequel on ne peut douter. Nous venions de nous séparer quand il est parti. Je venais de souffler mes 17 bougies. C’était le 24 Octobre 2009. Il était un peu moins de midi. « La pluie avait arrosé copieusement la chaussée rendue extrêmement glissante, descente, virage, le véhicule se déporte de sa trajectoire, traverse la chaussée opposée et vient terminer sa course côté droit contre un arbre planté dans un fossé. Une sortie de route fatale. Une route particulièrement dangereuse qui a déjà été le théâtre d’accidents mortels par le passé. » Ça, c’est que j’ai lu dans la presse. Le voir, c’est encore différent. J’ai demandé à ma mère de m’y amener, j’en avais besoin. C’était impressionnant. Et ce jour là, c’était lui, c’était eux. Double peine. Mon premier Amour, une amie d’enfance. Effondrement dans mon coeur, dans mon corps. Souffle coupé. Mes yeux ? Des usines à débordement mais pas un jour de manqué au lycée pour autant. Personne ne m’a forcé, mon entourage m’encourageait même à prendre du temps pour moi. Mais j’en avais décidé autrement, c’était l’année du BAC, il fallait avancer, il fallait l’avoir ce foutu diplôme. Alors j’ai levé la tête, j’ai poursuivi ma route, mon chemin, avec comme souvenirs des lettres, des Wizz envoyés sur MSN, des screenshots de conversations qui durent des heures, et puis des odeurs, des cadeaux, des chansons qui te rappellent toujours Ô combien l’Amour décide de tout.

Le Déni, c’est comme ça qu’ils l’appellent. Ce qui a été le plus dur, c’est ce sentiment étrange d’avoir des souvenirs abîmés, je dis sans cesse « comme il est parti j’ai l’impression que tout ce que nous avons vécu n’a pas existé, je me rappelle mais j’ai l’amère impression que tout s’est annulé. » Je ne sais pas si ce type de réaction est universelle, si chaque perte d’un être cher implique cela ou si c’est très personnel. Et puis j’ai eu 18 ans : zéro mal-être apparent, pas de dépression à l’horizon, « qu’est-ce qu’elle est courageuse et forte cette Marie », les années passent, j’arrive à gravir les échelons pour la reconnaissance de mon père ou pour moi (encore aujourd’hui je me le demande), personne n’aborde le sujet avec moi, personne ne m’en parle, jamais. Bts en poche, Master I, Master, II. Bac+5 achevé. Réussi. Mémoire excellent, soutenance applaudie. Tout en contrôle, toujours. Zéro lâché prise. Ni prise de conscience. Le Deuil, le fameux. Paraît-il que les phases de celui-ci évoluent, changent pour moi il n’en est rien. Est-il réellement possible d’accepter la perte d’un être cher? Et puis qui décide que cette étape est cruciale, d’abord?

En 2019, ça fera 10 ans. J’ai l’impression que c’était hier, la pression sur mon coeur est toujours la même. Une peine immense m’a inondée toute entière, mais j’ai tenu le cap : ne jamais rien montrer alors que je suis naturellement extravertie, expressive. Qui aurait-cru dix ans après que cette histoire me rattraperait, elle qui, ne m’a finalement jamais quitté et m’empêche de me construire aujourd’hui, celle qui fait partie de moi.

La semaine dernière, en rentrant d’une pièce de théâtre en famille, j’ai vu la voiture d’en face arriver à vive allure et s’encastrer dans le bas chaussé. Airbags dépliés, plus un bruit, le temps s’arrête, deux jeunes, je suis sortie en courant. A une seconde près, ils y passaient et nous aussi. C’est ça qui est venu raviver ce que j’ai vécu il y a bientôt dix ans, je le sais, même si j’y pense constamment. Je n’en avais jamais parlé ici, peut-être pas pudeur ou par peur d’être jugée, non comprise. C’est l’une des plus grosses fractures de ma vie. On m’a toujours dit que j’étais une femme sensible, une personnalité à part entière, un haut potentiel, curieuse de tout et à fleur de peau. Tout ceci n’a pas dû aider, sans nul doute.

Dans quelques semaines, je retournerai le voir, là-haut, face à la mer, avec sa croix blanche qui domine le pays basque. Seule ou accompagnée, j’irai, ça fait bien trop longtemps, il me manque tant. Pas tout a fait vivant. Mais pas tout à fait disparu non plus. À toi, empereur de la joie, de l’amour, et la bonne humeur, à ma première vraie histoire avec des papillons dans la ventre.

 

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